Novak Djokovic : une partie perdue d’avance?

par | 14, Jan, 2022

A l’image d’une balle de tennis, cette affaire connaît ce matin, un énième rebondissement, et pas des moindre : le visa de Djokovic est annulé une seconde fois, cette fois-ci par le ministre australien de l’immigration, Alex Hawke. 

Retour sur la saga Djokovic – Open d’Australie 2022

Retour complet sur ce début d’année mouvementé dans le Victoria, où Novak a vraisemblablement transgressé les règles.

Le 5 janvier, Novak Djokovic est arrivé à l’aéroport de Tullamarine en vue de participer à l’Open d’Australie, qui débutera ce 17 janvier. 

Afin d’entrer sur le territoire australien, l’autorité compétente en la matière, c’est-à-dire “l’Australian Border Force” prévoit que : “Tous les passagers à l’arrivée et au départ doivent avoir un passeport ou un document de voyage valide. Les passagers à l’arrivée doivent remplir une carte de passager entrant. Si vous n’êtes pas un citoyen australien, vous devez être en possession d’un visa valide pour entrer en Australie”.

Le département de la Santé du gouvernement australien précise quant à lui, que : “Tous les voyageurs entrants doivent également fournir une preuve de leur statut vaccinal avant leur arrivée par le biais de la déclaration de voyage en Australie sauf s’il s’agit d’un enfant âgé de moins de 12 ans et 3 mois”. 

Pour cause, le visa d’un joueur de tennis étranger, désireux de prendre part au premier Grand Chelem de la saison, ne serait donc valide qu’à la stricte condition d’apporter la preuve d’un schéma vaccinal complet. 

Il est important de noter qu’une infection antérieure par le COVID-19 n’est pas considérée comme une contre-indication médicale à la vaccination contre le COVID-19. 

A défaut de détenir ce “nouveau passeport”, seule une exemption médicale peut autoriser le joueur à pénétrer sur le sol australien.

Pourtant Novak Djokovic n’est, jusqu’à preuve du contraire, pas vacciné contre le Covid-19. Affirmant qu’il a contracté le virus il y a moins de 6 mois, il bénéficierait donc plutôt d’une exemption médicale. 

Parmi les motifs valables pour bénéficier d’une telle dérogation, il faut remplir l’une des conditions suivantes : 

– avoir été victime d’une maladie cardiaque inflammatoire lors des trois derniers mois ;

– avoir été victime d’un problème médical grave (comme une opération, ou une admission à l’hôpital pour un problème sérieux) ;

– avoir eu des effets secondaires physiques sérieux à la suite d’une précédente dose de vaccin ;

– être en mesure de justifier que l’on présente un risque pour soi ou pour les autres durant le procédé de vaccination ;

– avoir été contaminé par le COVID-19 (avec un test PCR comme confirmation) dans les six mois précédents la demande.

Les voyageurs entrant sur le territoire, qui fournissent un certificat médical comme preuve, doivent s’assurer que le certificat médical est rédigé en anglais et qu’il comprend les nombreuses informations prescrites par le gouvernement australien (1).

En l’espèce, faute de preuves suffisantes et irréfutables sur son exemption, les autorités locales n’ont pas laissé entrer « Nole » sur le territoire et ont annulé son visa après 36h de négociation à l’aéroport.

Novak Djokovic est finalement envoyé dans un centre de rétention, à Melbourne, dans l’attente de son audience. Rappelons, qu’il aurait pu ou dû être rapatrié en Serbie dès le lendemain, mais lui et ses conseils, après avoir déposé un recours en justice contre les autorités australiennes, ont obtenu un délai pour prouver la légalité de son exemption (https://www.jurisportiva.fr/actualite/novak-djokovic-gagnera-t-il-son-match-contre-les-autorites-australiennes/).

Des manifestations se sont alors déroulées en Serbie, le Président Serbe a d’ailleurs pris parti pour son compatriote. En Australie également, de nombreuses personnes se sont réunies, tantôt pour le soutenir, tantôt pour crier à l’indignation, aux vues de la période que nous traversons tous, et plus particulièrement les “aussies”.

Des preuves appropriées et convaincantes apportées par Djokovic ?

Afin de justifier l’exemption médicale, les avocats du numéro 1 mondial ont apporté lundi dernier la preuve que Djokovic avait contracté le virus le 16 décembre 2021. Puis, suite à la procédure habituelle en cas de contamination, un test négatif a été déclaré le 22 décembre.

Lundi 10 janvier, après 5 jours dans un hôtel, avec des migrants et des réfugiés, le juge Anthony Kelly a rendu caduque l’annulation de son visa décidée par les autorités fédérales. La justice australienne a donc ordonné sa libération.

Le Serbe s’est rendu dès le lendemain au Melbourne Park où il a pu s’entraîner en vue de participer au premier Grand Chelem de la saison. Pour confirmer la tendance, le tournoi a dévoilé ses têtes d’affiches où figure le triple tenant du titre, tête de série numéro 1.

Lors du tirage officiel, réalisé hier (jeudi 13 janvier), Novak Djokovic est bien présent dans la partie haute du tableau, où il affrontera son compatriote, Miomir Kecmanovic au premier tour (match prévu le lundi 17 janvier).

Pour ses 10 millions d’abonnés sur Instagram, Djokovic a tenu à s’excuser et reconnaît notamment, avoir commis 2 erreurs : 

– Une « erreur humaine, un  simple oubli mais non délibéré » : celle d’avoir déclaré à tort à son arrivée en Australie, qu’il n’avait pas voyagé les 14 jours précédents 

– Une « erreur de jugement » » : il a reçu un journaliste du quotidien l’Équipe, le 18 décembre à Belgrade, alors qu’il se savait malade du Covid-19.

L’oubli de mentionner un fait prescrit (avez-vous voyagé lors des 14 derniers jours ?) sur un document officiel relatif à l’octroi du visa ne peut être assimilé à une erreur humaine, autrement dit, à une erreur bénigne. De là, cette dernière est-elle insusceptible de régularisation ? Peut-on envisager corriger une information essentielle à l’obtention d’un visa dans des délais très courts ? 

Si oui, l’information pourrait être considérée comme facultative à l’obtention d’un tel titre.

Si non, Djokovic ne pourrait et ne devrait sans doute pas participer à l’Open d’Australie le temps que les autorités compétentes éclaircissent cette sombre absence. 

D’un point de vue purement objectif, le formulaire où figure la réponse erronée précise que: “Donner une information fausse ou trompeuse est un délit sérieux. Vous pouvez vous exposer à une sanction civile”. Dans une telle situation, la peine encourue peut aller jusqu’à douze mois de prison.

Les prémisses d’une affaire d’État

Le Djoker, comme il se fait appelé, a-t-il vraiment eu le Covid en décembre ? Ou a-t-il, “simplement”, sorti une carte de son jeu pour contourner les règles applicables à la situation sanitaire ? 

Les preuves apportées par les Conseils de Novak Djokovic ne permettraient pas de lever les doutes sur son comportement troublant. Des preuves auraient-elles été falsifiées ?

De plus, l’opinion publique n’est pas tendre avec Djokovic, à tel point que des journalistes australiens ont qualifié Novak Djokovic de « put… de menteur sournois, c’est un trou du c…. Il a trouvé une fausse excuse, et par la suite s’est empêtré dans ses mensonges ». (2)     

Récemment, des preuves scientifiques laissent également planer un doute sur la fiabilité des données transmises par Djokovic. L’hebdomadaire allemand « Der Spiegel » remet en cause la réelle date du test positif de Novak Djokovic. Grâce au premier élément technique, le timestamp (3), la date du test positif ne serait pas le 16 décembre mais le 26 décembre. Cette théorie est confortée par une seconde donnée essentielle, le numéro du test (4). Le test positif, réalisé le 16 décembre (n° 7371999) serait postérieur à celui du 22 décembre, test négatif (n° 7320919). 

Hormis sa réputation ou son honneur, c’est sa réelle présence au tournoi qui est aujourd’hui en jeu. 

On pouvait s’attendre à de nouveaux rebondissements, on y a actuellement le droit. Certes, Novak Djokovic n’est pas encore définitivement expulsé et avait finalement obtenu un visa pour entrer sur le territoire australien et s’entraîner; mais ce dernier vient d’être annulé !

Le gouvernement, à la suite du premier jugement, n’a pas fait appel et contesté la mise en liberté de Novak Djokovic. Il laissait le jugement final à son ministre…

En effet, Alex Hawkes, le Ministre de l’Immigration, en vertu de l’article 133 C(3) de la loi sur les migrations peut, par son pouvoir discrétionnaire, une prérogative personnelle d’annulation de visa, expulser le numéro 1 mondial de l’Australie. Il a décidé ce vendredi 14 janvier de prendre une telle mesure, pour : “des raisons de santé et de bon ordre, dans l’intérêt public”. Cette dernière sera fort probablement assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans. 

Du problème administratif, au scandale sportif, apparaît une véritable affaire d’Etat.

Et maintenant, quelle issue?

A l’heure actuelle son cas n’est toujours pas définitivement réglé, comme le laisse suggérer un appel de cette seconde annulation de visa. 

En effet, les avocats du joueur préparent un recours devant la justice pour une demande d’injonction pour contester l’annulation du visa. Ils devraient bénéficier d’une procédure accélérée afin de régler la question du visa, et la question sportive : Djokovic peut-il participer à l’Open d’Australie qui débute dans 3 jours ? 

A défaut d’y parvenir, et en cas d’échec de l’appel,  le numéro un  mondial n’aura que quelques heures pour quitter le territoire.

Le joueur n’est donc pas assuré de disputer l’Open d’Australie, bien au contraire. Qu’il soit présent ou absent, le Serbe attire les regards et attise la convoitise. Son expulsion ou son maintien ne changera pas la face d’un personnage tantôt adulé, tantôt détesté, mais jamais ignoré.

De plus, inutile de rappeler que l’ATP (Association of Tennis Professionals) a été formelle : « toute falsification de document est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 dollars (environ 90 000 €) et/ou d’une suspension de participation aux tournois ATP Tour ou ATP Challenger pendant une période pouvant aller jusqu’à trois ans de suspension».

Dans l’attente de communiqué de la part de l’Organisateur du tournoi, le recordman de la compétition avec ses 9 titres, peut pour l’instant participer à l’Australian Open, et marquer l’histoire en devenant le seul joueur à décrocher 21 grand chelem, mais ses réels espoirs d’y participer s’amenuisent sérieusement; ce n’est sans doute, qu’une question d’heures…

Le maître des lieux a terminé hier dans la matinée une séance d’entraînement ouverte au public. Sûrement la dernière fois que les Australiens le voyaient fouler la Rod Laver Arena (jusqu’en 2025), le maître de l’immigration, Alex Hawkes, en a décidé ainsi. 

Devant l’urgence de la situation, une audience a lieu actuellement (depuis 11h heure française), où la défense de Djokovic reste inchangée : contester l’annulation de son visa. Affaire à suivre…

  1. https://www.health.gov.au/health-alerts/covid-19/international-travel/inbound.
  2.  Rebecca Maddern et Mike Amor, deux présentateurs de la chaîne australienne, Canal 7. 
  3.  Valeur temporelle utilisée en informatique pour représenter un moment précis, que l’on retrouve en scannant le QR code du test, c’est-à-dire incluse dans l’identifiant du test.
  4.  Chaque test PCR réalisé est associé à un numéro, donnant un identifiant unique pour son suivi.
  5.  Migration Act 1958, loi du parlement australien à propos de l’entrée ou de la présence d’étrangers en Australie, ainsi que de leur départ ou de leur déportation avec diverses autres personnes, https://www.legislation.gov.au/Details/C2021C00357.

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