Rencontre avec Wladimir Andreff, Économiste reconnu en sport. Il revient au cours de cette interview pour Jurisportiva sur sa carrière d’économiste et sa vision concernant les manipulations de compétitions sportives, le principal fléau du sport à ce jour.
Pour rappel, la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives du 18 septembre 2014 définit la manipulation comme : « un arrangement, un acte ou une commission intentionnels visant à une modification irrégulière du résultat ou du déroulement d’une compétition sportive afin de supprimer tout ou partie du caractère imprévisible de cette compétition, en vue d’obtenir un avantage indu pour soi-même ou pour autrui ».
Bonjour Monsieur Andreff, tout d’abord pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Bonjour. Je m’appelle Wladimir Andreff et je suis un économiste.
Actuellement je suis Professeur honoraire en Sciences Economiques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et en parallèle je suis le Président du Conseil scientifique de l’Observatoire de l’économie du sport au Ministère des Sports. Mon parcours académique s’est donc principalement tourné vers l’économie. En effet, j’ai eu ma Maîtrise en Sciences Économiques, option Économétriques en Juin 1969.
Par ailleurs, j’ai également obtenu un diplôme d’études supérieures de Sciences Economiques en octobre 1970 suivi d’un diplôme de troisième cycle en Economie Appliquée en juin 1971. Pour finir, j’ai obtenu mon Doctorat d’Etat en Sciences Economiques à l’Université de Paris Dauphine en juin 1975. Mon sujet était : « Le développement de la firme multinationale et la sectorisation mondiale de la production ». Quant à ma thèse complémentaire de Doctorat obtenue en décembre 1976, le sujet était « Les variations du degré de centralisation dans le pays de l’Est européen depuis les réformes ».
Ainsi, les principaux thèmes de recherche sont l’économie du sport, notamment la corruption à travers paris en ligne et le dopage, les économies en transition post-communiste et l’économie internationale.
J’ai écrit plus de 459 articles scientifiques ainsi que 17 livres. Je suis passionné d’économie et notamment d’économie du sport. C’est pourquoi mes derniers livres écrits concernent la face cachée du sport ou encore, des voies alternatives de lutte contre le dopage dans le sport, Moscou 2021.
Quelle est votre vision au sujet des manipulations de compétitions sportives?
Pour moi, leur but est de gagner le plus d’argent possible en raflant les mises de tous les autres parieurs. Le parieur professionnel profite de la manipulation en s’enrichissant de manière illégitime des mises, pouvant être conséquentes, des autres parieurs. Ceux-ci font un pari sans se douter que la rencontre sportive est manipulée et que dans tous les cas ils perdent leur mise. Il est en effet difficile de suspecter une manipulation en tant que parieur occasionnel. La seule limite concerne le joueur professionnel qui n’a pas le droit de parier sur un match auquel il est lui-même joueur. En parallèle de la procédure juridique, il est également possible de léser des intérêts économiques et c’est pourquoi j’ai réfléchi à diverses solutions.
Quelle serait la solution d’un point de vue économique?
D’un point de vue économique, plusieurs solutions ont été imaginées.
Tout d’abord, les économistes allemands, Helmut BEETLE et Van CARTLE, que j’admire particulièrement par leurs travaux, considèrent que de nos jours, le football est devenu une sorte de bien public. C’est pourquoi ils voudraient transformer chaque match de football en responsabilité privée et cela deviendrait la propriété du sport. Donc chaque fédération serait responsable des matchs et en tirerait les bénéfices. En contrepartie, chaque fédération ferait en sorte d’éviter la manipulation de leurs matchs afin d’assurer l’intégrité du sport.
De mon point de vue, la solution est différente. Je propose une « Sport Bet Tobin Tax ». Il s’agit d’une taxation internationale des mouvements de capitaux. Cette taxe s’appliquerait à tout joueur qui gagnerait plus d’un certain montant. Il y aurait plusieurs seuils financiers qui dépendraient de la somme gagnée. En guise d’exemple, à partir de 100 000 euros de gains, la taxe serait à 1%.
Donc, les gains obtenus pour les manipulateurs de compétitions seraient moins intéressants et cela pourrait les dissuader de mener de telles sommes. De plus, des confiscations pourraient être introduites pour les gains supérieurs à 50 millions d’euros, afin de dissuader les tricheurs d’en faire leur métier. Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez toujours consulter mon livre « La face cachée du sport – Dérives économiques et scandales financiers ». L’économie peut être une réelle aide à la réglementation juridique dans les matchs truqués.