Interview de Thomas Menestrier (élève avocat)

par | 16, Fév, 2021

Ancien étudiant du Master 2 droit du sport de l’Université d’Aix-Marseille, Thomas Menestrier est actuellement élève avocat et juriste du sport au sein du cabinet Menestrier. Il partage aujourd’hui, pour Jurisportiva, sa jeune expérience et ses impressions, tant sur sa vision de la place de l’avocat dans la carrière d’un sportif que sur l’impact de la crise sanitaire sur le milieu du sport.

C’est une situation dramatique, le sport français pourrait avoir du mal à s’en relever si cette situation venait à perdurer.

Bonjour Thomas. Dans un premier temps, peux-tu te présenter ?

Bonjour Arnaud.  Je m’appelle Thomas Menestrier, j’ai 23 ans. J’ai obtenu ma Licence de droit à l’Université d’Aix-Marseille. Toujours dans la même faculté, j’ai ensuite validé successivement un Master 1 en Droit des affaires et un Master 2 en Droit du sport. Par la suite, j’ai présenté l’examen du CRFPA pour devenir avocat. Je prêterai serment en tant qu’avocat dans le courant de l’année prochaine.

En attendant, je suis actuellement juriste au cabinet d’avocat de mon père, Maître Laurent Menestrier. J’ai la chance de pouvoir jeter un œil aux dossiers depuis mes premières années de droit. Maintenant que j’ai réussi le CRFPA, c’est génial car tout devient plus concret, on a plein de projets en commun avec mon père pour faire grandir le cabinet.

Pourquoi avoir choisi la voie du droit du sport ? 

Comme beaucoup de personnes dans ce milieu, j’ai toujours souhaité allier mon métier avec ma passion, le sport. C’est ainsi que j’ai choisi le droit du sport. Pour les personnes souhaitant se lancer dans cette branche du droit, il faut avoir conscience que c’est une niche et que par conséquent, le réseau compte beaucoup. Toutefois, avec un travail sérieux, et cela est vrai partout, les opportunités s’offrent à vous. Il faut se donner les chances de réussir, ne pas s’arrêter aux premiers obstacles.

L’obtention de mon Master 1 en droit des affaires et de mon Master 2 spécialisé en droit du sport au Centre de Droit du Sport de Marseille, m’ont permis de développer un certain nombre de compétences juridiques et de me créer un réseau au fur et à mesure. J’ai eu la chance d’apprendre avec d’excellents professeurs, très reconnus dans leur discipline. Les enseignements dispensés dans ce master sont de qualité.

L’autre raison qui m’a poussé à me diriger vers le droit du sport, c’est que mon père est avocat et celui-ci a développé le pôle droit du sport de son cabinet depuis maintenant une petite dizaine d’années. Finalement, le milieu du sport et des affaires sont relativement identiques. Les compétences d’un avocat en droit des affaires conviennent parfaitement au monde du sport, c’est simplement l’environnement qui diffère. Il reste encore beaucoup de choses à faire dans ce milieu pour les avocats, et on le voit, ils sont de plus en plus sollicités.

Pour quelles raisons le cabinet Menestrier a t-il lancé son activité en droit du sport, il y a une dizaine d’années ?

Par opportunité notamment. C’est un peu comme dans tous les domaines, pour l’avocat il ne suffit pas de se dire spécialiste de telle matière pour avoir à traiter d’un dossier. Selon les opportunités on se spécialise finalement dans tel ou tel domaine. Initialement tourné uniquement vers le droit des affaires, le cabinet a été contacté, via le bouche-à-oreille, pour traiter de dossiers en droit du sport. Ensuite, il a fallu beaucoup travailler, se rendre indispensable pour pérenniser l’activité. C’est ce que mon père a su faire assez brillamment je dois le reconnaitre.

Quel constat fais-tu de l’impact de la crise sanitaire sur le milieu du sport, et quelles en sont les conséquences directement visibles au sein du cabinet Menestrier ?

Comme je l’ai déjà dit, le droit du sport n’est pas la seule activité du cabinet. Notre cabinet traite avant tout de droit des affaires. Pour être honnête, nous avons de la chance. L’activité du cabinet n’a pas été tant impactée que cela par la crise.

Pourtant le sport est en crise, on constate les dégâts chez beaucoup d’acteurs du sport. Pour la majorité des sportifs individuels, la situation est évidemment catastrophique. Pour les sports collectifs aussi, même si certains clubs s’en sortent mieux que d’autres en raison de leur modèle économique. Les dégâts les plus importants touchent les clubs qui ont un modèle économique basé en grande majorité sur la billetterie et les partenariats. Les autres, ceux qui sont soutenus par les collectivités, sont peut être un peu moins en difficulté mais c’est dur pour tous.

Dans le milieu du football, c’est encore un peu plus particulier. Il y a généralement beaucoup plus d’argent que dans d’autres sports, comme le handball par exemple. Mais il ne faut pas croire que les conséquences financières de cette crise n’existent pas. Il suffit de regarder ce mercato hivernal. C’est loin d’être le plus actif que l’on ait connu. Puis, sans faire de généralités, tous les clubs ne possèdent pas le budget du Paris-Saint-Germain ou de l’Olympique Lyonnais. Sans compter que l’on parle du sport professionnel, mais le sport amateur est encore plus en danger. La situation ne peut plus durer éternellement, on va tout droit à la catastrophe.

On le sait, le sport fait vivre des milliers de personnes, au sens propre comme au sens figuré. Pour certains c’est un métier, que l’on soit le sportif, personnel de club, juriste ou autre. Pour d’autres, c’est simplement une passion, une source d’inspiration, un moteur de vie. Et encore, de manière plus générale, le sport c’est la santé. On peut débattre sur la meilleure façon de gérer cette crise mais quoi qu’il en soit à titre personnel, je trouve cela scandaleux que le débat autour du sport en France en temps de crise sanitaire ne soit pas davantage poussé et considéré.

C’est une situation dramatique, le sport français pourrait avoir du mal à s’en relever si cette situation venait à perdurer.

Le sportif d’aujourd’hui a-t-il nécessairement besoin d’une assistance juridique au quotidien ? Quelles sont les clés d’une relation aboutie entre l’avocat mandataire sportif et son client ?

Avocat mandataire sportif c’est simplement une facette du métier d’avocat, car l’avocat mandataire sportif est avant tout un avocat classique. Je pense que les avocats ont énormément à apporter aux sportifs : une carrière se construit sur le terrain mais également en dehors. Il faut absolument que le sportif soit serein sur tout ce qui se passe en dehors du terrain pour lui permettre d’être concentré sur son sport et sur ses performances. A titre d’exemple, la gestion de ses sponsors, la rédaction d’actes, la gestion de ses éventuels contentieux liés à son activité sportive ou à sa vie personnelle, sa fiscalité, etc., tous ces points dans lesquels l’avocat est compétent représentent un véritable besoin pour le sportif. Il reste encore énormément de travail pour les avocats dans le sport et dans l’accompagnement des sportifs, mais la clé d’une relation saine entre l’avocat mandataire et le sportif, je dirais que c’est la confiance.

En matière de gestion de carrière sportive, comment différencier l’avocat mandataire sportif de l’agent de joueur ? 

Le football a beaucoup évolué depuis des années, beaucoup d’argent est injecté dans ce sport. Il n’y a qu’à voir la somme du transfert de Neymar au Paris Saint Germain en 2017 (222 million d’euros). Avec tout cet argent en jeu, il est donc important pour les sportifs d’être bien entourés, conseillés. Certains diront que les avocats inspirent davantage confiance et sérieux et qu’ils offrent un panel de compétences, notamment juridiques, plus important que les agents. Mais je ne suis pas de ceux qui jettent la pierre sur les agents. Il y a des personnes à éviter c’est certain, mais cela est vrai dans le milieu du football comme dans tous les autres. Beaucoup associent les agents à des personnes « louches » ou malhonnêtes. C’est faux, la majorité d’entre eux travaillent dur et honnêtement. Il y a parfois des tensions et des différends entre les avocats et les agents. C’est absurde, chacun a à apporter à l’autre. Je suis de ceux qui considèrent que ces deux fonctions sont complémentaires.

Quel est l’éventail de sportifs dont vous gérez la carrière?

Nous nous occupons de la carrière de beaucoup de joueurs de différentes nationalités, notamment des africains comme Ousseynou Ba et Mady Camara de l’Olympiakos ou encore Pape Abou Cissé qui vient d’être prêté à l’AS Saint-Etienne. 

Des sénégalais, des guinéens… Ce sont des gens avec de vraies valeurs, qui travaillent très dur. Ils ont à cœur de rendre fier leur famille et c’est vrai qu’ils ont parfois plus de combativité que certains européens car ils n’oublient pas d’où ils viennent. C’est pour cela qu’on aime travailler avec eux. 

Dans ces pays, il y a de nombreux joueurs au potentiel incroyable. Si vous vous rendez au Sénégal par exemple, il y a des phénomènes à tous les coins de rues. Les jeunes jouent pieds nus, ils font des choses incroyables. Mais ils ne réussissent pas tous. Déjà parce que l’offre est plus  faible que la demande, mais aussi parce que parfois il est difficile pour ces jeunes de partir. Au Sénégal par exemple, il y a énormément d’académies de football. Elles sont considérées comme des clubs professionnels. Celles-ci touchent souvent une partie de l’argent du transfert quand certains de leurs jeunes partent jouer en Europe ou ailleurs. Malheureusement, généralement ces jeunes s’engagent avec ces académies et signent des papiers sans y réfléchir, les yeux fermés. Parfois, ils se sont engagés avec certaines personnes, incompétentes ou qui ne souhaitent que toucher l’argent. C’est ainsi que certains joueurs restent bloqués là-bas. C’est vraiment dommage. Attention, il ne faut pas en faire des généralités, là-bas beaucoup de personnes sont très compétentes et font émerger de vrais talents.

Vous avez récemment fait signer Pape Abou Cissé à lAS Saint-Etienne en provenance de l’Olympiakos, est-il heureux de son transfert en France ? 

Oui il est très heureux. En signant à l’ASSE il rend fier tous ses proches. L’Olympiakos est un grand club, qui évolue tous les ans en Ligue des Champions, mais l’ASSE là-bas au Sénégal représente beaucoup plus, c’est un club emblématique et très suivi. 

Pape était courtisé par de nombreux clubs. Certaines offres étaient plus intéressantes financièrement. Mais son choix était de jouer pour l’ASSE. En tant qu’avocats du joueur, le cabinet a donc tout fait pour respecter son choix et aboutir à ce prêt. Nous sommes très contents, d’autant plus que la direction de l’ASSE est très compétente, c’était un vrai plaisir de discuter avec eux. C’est un grand club avec une véritable histoire.

Pape a été très bien accueilli. Nous lui souhaitons de belles performances. Même s’il n’a que 25 ans, Pape est un joueur d’expérience, il a joué contre de grandes équipes européennes en Champions League. Il a des qualités physiques incroyables. Mais c’est aussi, et c’est important de le souligner, une personne en or et très humaine. Il est respectueux, plein d’humilité. Paradoxalement, sur le terrain, c’est un vrai guerrier. Avoir un Pape dans son vestiaire c’est un avantage.

Arnaud de Brouwer

https://cabinet-menestrier-avocat.hubside.fr/a-propos

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