Interview de Mathieu Chabert (entraîneur du SC Bastia)

par | 8, Juin, 2021

Touché par une tumeur à la moelle épinière alors qu’il comptait passer professionnel à 24 ans, Mathieu Chabert a délaissé les pelouses pour le banc. Notamment passé par l’AS Béziers qu’il a fait monter en Ligue 2 en 2018, l’entraîneur qui a désormais pris les rênes du Sporting Club de Bastia depuis octobre 2019, renouera avec l’élite à partir de la saison prochaine . Pour Jurisportiva, le biterrois de naissance s’est notamment livré sur ses 17 années en tant que coach, sur l’accessibilité au diplôme d’entraîneur de football professionnel, mais également sur sa magnifique saison avec Bastia, et sur les défis qui l’attendent lui et son équipe en Ligue 2 l’année prochaine. Portrait.

L’ensemble des joueurs et du staff de Bastia ont fait un travail remarquable, je ne suis qu’un maillon de la chaîne. 

Mathieu Chabert

Vous avez réalisé une magnifique saison, dans un championnat réputé compliqué, quel est le secret de la réussite de votre équipe?

Je dirais que notre avantage était d’avoir gardé une base avec le noyau de joueurs que nous avions recrutés pour le National 2. A cela, s’ajoute à mon sens, un recrutement intelligent, des recrues qui se sont bien intégrées au groupe. Autrement, j’ai envie de vous dire qu’il n’y a pas de secret particulier, derrière cette victoire, il y a beaucoup de travail. On a bien démarré le championnat, on a su enchaîner tout au long de la saison en gardant un certain rythme et un écart avec les autres équipes jusqu’à la fin.

Vous venez d’être élu meilleur entraîneur de National, est-ce la une consécration de votre saison?

Oui bien-sûr, c’est toujours gratifiant de recevoir ce genre de distinction personnelle. Mais j’aime dire que c’est un travail d’équipe, et ce sont les joueurs qui montent en Ligue 2. L’ensemble des joueurs et du staff de Bastia ont fait un travail remarquable, je ne suis qu’un maillon de la chaîne. 

Ce titre de champion doit être savoureux, était-ce l’objectif premier cette saison ?

Effectivement ce n’était pas l’objectif pour Bastia car nous étions promus. Nous souhaitions avant tout réaliser la meilleure saison possible sur le plan sportif. Si vous m’aviez dit il y a quelques mois que nous serions champion avec 8 points d’avance, je ne vous aurais sûrement pas cru. On a su créer une dynamique positive, c’est important et cela peut faire la différence dans le football. Je compare un petit peu une équipe de football à une formule 1, il faut d’abord faire quelques réglages et puis ensuite se lancer.

L’absence du public, la seule ombre au tableau ?

C’est la seule ombre au tableau. Avancer dans un stade vide, ce n’est pas ce que nous souhaitions. Après, cela rend la performance encore plus exceptionnelle. Cela permet aussi de faire démentir les personnes qui disaient que les corses se cachaient derrière le contexte sanitaire. On a su faire le travail qu’on attendait de nous et nous en sommes fiers.

Comment appréhendez-vous cette montée en Ligue 2?

Elle se joue en partie maintenant. La future bonne saison qu’on fera, se joue maintenant dans la gestion et la prolongation de contrats de nos joueurs ainsi que dans le recrutement d’autres joueurs. Il faut que l’on soit attentif à ne pas enrayer cette dynamique positive.

Le fait que vous connaissez déjà la Ligue 2 est-il un avantage ?

Oui complètement, c’est un gros avantage car je sais les erreurs que j’ai faites à Béziers et j’ai appris de celles-ci. L’idée est de ne pas les reproduire. La connaissance que j’ai de ce championnat me rend plus serein mais ne bride en aucun cas ma motivation et ma détermination avec le Sporting Club de Bastia.

Bastia a connu des temps compliqués ces dernières années. Pourquoi êtes-vous arrivé à Bastia, quelle était la mission qui vous a été confiée? 

Lorsque je suis arrivé en poste, ma première mission était de réussir à accéder au National. On s’était donné une période de 2 ans pour accéder à la Ligue 2, on l’a fait en 1 an. Il fallait avant tout, lors de cette saison, passer devant Sedan avant l’issue finale du championnat, ce que l’on a réussi à faire avec brio. C’est une grande fierté d’avoir pu accomplir une montée en Ligue 2 et d’être champion avec un club aussi emblématique que Bastia.

Que pensez-vous de la différence de niveau entre le National et la Ligue 2?

La Ligue 2 ressemble un peu au National, à la différence que dans le National, vous avez généralement un ou deux joueurs dans l’équipe capables de faire la différence. En Ligue 2, c’est plutôt 4 ou 5 et 10 en Ligue 1. Le jeu va plus vite en Ligue 2 dans les 30 derniers mètres et les phases de constructions sont un peu plus rapides qu’en National.

Comptez-vous continuer à Bastia l’année prochaine ?

Oui je reste à Bastia l’année prochaine, c’est certain.

Quel est votre avis sur l’accessibilité au BEPF en France et plus généralement sur la formation d’entraîneur en France ?

Si moi j’ai réussi à y accéder, c’est que c’est accessible. On peut dire que ce n’est pas pareil qu’en Allemagne, au Portugal, mais aujourd’hui je n’ai aucune expérience en tant que joueur sur un terrain, j’ai simplement 5 d’entrainement d’une équipe de CFA et CFA2, et j’ai réussi à accéder au BEPF. Toutefois, ne nous trompons pas de priorité, il faut voir la chose de 2 manières différentes : soit vous avez fait une carrière de footballeur professionnel, ce qui vous donne une certaine expérience qui pourra vous être utile en tant qu’entraineur, bien qu’il n’y ait aucune garantie là dessus. L’autre voie est celle par laquelle je suis arrivé. Si vous n’avez pas été joueur professionnel, votre légitimité se gagne par des résultats. L’accessibilité à ce diplôme est conditionnée, pour les gens comme moi, par nos performances. On ne peut pas arriver comme un cheveux sur la soupe, sans expérience ni rien, et prétendre vouloir être entraîneur. Du moins, c’est mon humble avis. Être un bon entraîneur demande un certain savoir-faire. Le nerf de la guerre c’est le management, la différence se fait dans la gestion des hommes. Il faut arriver à donner sa confiance à 25 joueurs, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Vous n’êtes pas acteur de ce que vous faites, vous mettez un schéma en place et ce sont les joueurs qui l’appliquent. Pour que cela soit bien réalisé, il faut de la confiance réciproque.

Le SC Bastia a adopté un modèle de société collaboratif et participatif assez inédit dans le football français, qu’en pensez-vous et le ressentez-vous dans votre rôle d’entraîneur?

Moi je ne le ressens pas forcément. C’est un système assez transparent, qui apporte de la sérénité à tout le monde. Cela permet aux supporters et adeptes du club de participer activement à la vie et gestion du club. Je pense que le football va évoluer dans ce sens là. 

Qu’est-ce-qui fait du SC Bastia un club si particulier ?

Bastia c’est le club de la Corse, c’est avant tout une histoire. Vous arrivez en Corse, vous savez qu’il n’y a rien d’autre que le Sporting Club de Bastia. C’est une institution, personne (ni joueur, ni entraîneur) n’est au-dessus. C’est une grande force car il y a énormément de fierté et de respect envers le club. Tout joueur corse rêve de jouer au Sporting.

De votre expérience dans les divisions inférieures qui sont réputées instables, êtes vous favorable à une réforme du format des compétitions ?

Je pense que la Ligue 3 est importante (le National), c’est un championnat hybride car il y a toutes les contraintes du monde professionnel sans nécessairement toutes ses retombées positives. C’est un championnat compliqué, qu’il faut professionnaliser. 

Quels sont vos projets futurs, individuels et avec Bastia?

Mon futur projet avec Bastia, c’est le maintien en Ligue 2. C’est une année très importante pour le club, comme pour moi. La montée en Ligue 1 n’est pas prévue pour l’instant mais sait-on jamais…

Crédit photo : FFF

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