Alors que le monde entier et les Britanniques étaient accaparés par les funérailles de la reine Elizabeth II, de violents affrontements entre la communauté hindoue et musulmane ont éclaté ce week-end dans la ville de Leicester. Derrière ces échauffourées, il faut y voir une des plus grandes rivalités sportives que le monde connaît aujourd’hui entre l’Inde et le Pakistan au cricket. Explications.
Depuis la victoire, le 28 août, à Dubaï, de l’équipe indienne de cricket sur celle du Pakistan dans le cadre de la coupe d’Asie de cricket, les violences se multiplient à Leicester. Selon les derniers chiffrés communiqués par la police britannique, 47 personnes ont déjà été arrêtées. Pourtant, la ville britannique a longtemps été réputée pour la cohabitation pacifique entre les communautés hindoue et musulmane. Mais pourquoi de telles tensions persistent entre ces deux communautés ? Pour comprendre cela, il faut revenir dans le passé. Retour 75 ans en arrière.
Inde-Pakistan, une rivalité militaire et sportive
Dans les années 1940, l’empire des Indes en Asie est une grande colonie britannique. Mais cette situation prend fin en 1947 avec la décolonisation. Cet ancien territoire anglais est alors divisé en deux pays indépendants : le Pakistan à majorité musulmane, et l’Inde à majorité hindoue. Une situation assez tendue entre les deux Etats qui va rapidement se complexifier …
Des guerres indo-pakistanaises vont éclater par la suite pour l’État du Cachemire et pour l’indépendance du Bangladesh. Depuis, les tensions entre les deux puissances nucléaires persistent. Et, la politique nationaliste pro-hindoue du premier ministre indien, Nerendra Modi, n’arranfe en rien à l’apaisement des tensions entre les deux communautés.
Mais cette indépendance des deux pays a donné naissance à une des rivalités les plus terribles du sport mondial : entre les équipes de cricket indiennes et pakistanaises. Le cricket, ce sport de balle et de batte hyper populaire dans les pays du Commonwealth est devenu au fil des années une véritable religion pour les Indiens et Pakistanais. Les matchs sont parfois regardés par près d’un milliard de téléspectateurs et les joueurs érigés en demi-dieux.
La diplomatie du cricket
Peu à peu, ce sport ultra populaire est devenu un véritable outil diplomatique (soft power) pour apaiser les tensions ou montrer à l’ennemi qu’il ne faut pas franchir certaines limites. On parle alors de « diplomatie du cricket ». Historiquement, à chaque fois que l’Inde et le Pakistan ont traversé une période de tensions des relations bilatérales, le cricket est venu à la rescousse pour instaurer un dialogue.
Par exemple, en 2011, les deux pays se retrouvent pour un choc au sommet en demi-finale de la Coupe du Monde de cricket. Les chefs d’État assistent à la rencontre, synonyme d’un apaisement entre les deux parties après les attentats de Bombay (166 indiens tués par un commando jihadiste pakistanais), trois ans auparavant.
D’une certaine manière, le cricket permet de faire passer des messages diplomatiques ou au contraire plus austères et souligner que les lignes rouges ont été franchies et que par conséquent il n’y aura pas de match. Derrière chaque rencontre sportive, il faut donc y avoir une sorte de baromètre de l’état des relations diplomatiques entre les deux pays.
Preuve que le cricket dépasse également le simple fait sportif, il s’invite la plupart du temps dans la politique d’Etat des deux pays et particulièrement au Pakistan. En 2018, Imran Khan, champion pakistanais de cricket qui a permis à son pays de gagner la coupe du monde en 1992 est élu Premier ministre de son pays. Son discours de campagne ? Il est simple. Il s’appuie sur ses exploits face à l’Inde lors des matchs de cricket pour galvaniser la foule. « Comparé à moi, la plupart des politiciens n’ont jamais rien fait. En jouant au cricket, j’ai fait des compétitions, j’ai gagné. Ces gens-là n’ont rien accompli. Ils n’ont même pas travaillé. Comment peut-on attendre d’eux qu’ils dirigent un pays ? », avait-il déclaré alors à l’époque.
Et en terme de cricket, qui est le plus fort ?
Depuis le premier match en 1952, les deux pays se sont affrontés à 60 reprises pour 12 victoires pakistanaises et 10 victoires indiennes et 31 matchs nuls. Mais dans les grandes compétitions internationales, c’est l’Inde qui domine avec deux Coupes du monde remportées contre une pour le Pakistan.
Une chose est sûre, aujourd’hui encore, les matchs de cricket entre les deux pays clivent les communautés hindoues et musulmanes et même au-delà des frontières indo-pakistanaises. Les derniers heurts, avec des chants « Mort au Pakistan » et des attaques dans le quartier hindou de la ville, à Leicester au Royaume-Uni, où se trouve une importante diaspora indienne et pakistanaise, montrent que le problème n’est toujours pas résolu.