À l’heure où les compétitions sportives internationales réveillent un sentiment national exacerbé chez ses spectateurs, la nationalité sportive a toujours été au cœur des enjeux sportifs bien qu’elle se distingue de la nationalité dite « administrative ». Focus sur le concept de nationalité sportive.
Le concept et la distinction entre nationalité sportive et nationalité administrative
La nationalité sportive désigne l’obédience d’un sportif à une fédération nationale, et notamment, son droit à représenter cet État lors de compétitions internationales.
Cette définition a été réaffirmée par le Tribunal Arbitral du Sport qui décrit le concept de nationalité sportive comme déterminant « les règles de qualification des joueurs en vue de leur participation à des compétitions nationales », et ainsi l’éligibilité d’un sportif à intégrer une équipe nationale lors d’une compétition.
La nationalité sportive est donc une condition d’accès aux compétitions internationales pour les sportifs, et présente un enjeu crucial pour ceux-ci.
Or, de prime abord, il semblerait naturel d’avoir une totale équivalence entre les deux nationalités, la nationalité sportive et la nationalité administrative. Cependant, il n’en est rien, « il s’agit de deux ordres juridiques différents, l’un de droit public, l’autre de droit privé, qui ne se recoupent pas et n’entrent pas en conflit ».
En effet, ce sont les fédérations internationales qui déterminent les critères d’éligibilité à la représentation au sein de leur sport, en totale indépendance par rapport à la nationalité administrative telle qu’elle est entendue par le Code civil. En ce sens, la fédération internationale, en accordant une nationalité sportive, n’est pas limitée par la nationalité étatique du sportif, mais cette nationalité sportive ne sera aussi admise que dans le cadre strict de cette fédération et de ses compétitions.
En outre, le concept de nationalité sportive varie en fonction des fédérations. Quand certaines fédérations fondent la nationalité sportive dans leur discipline sur la nationalité administrative, d’autres la complètent par des critères purement sportifs, ou choisissent de totalement la dissocier de la nationalité administrative du sportif.
La détermination de la nationalité sportive : quelques illustrations
S’agissant du football :
L’article 5 du règlement de la Fédération internationale de football association (Fifa) établit que “tout joueur possédant à titre permanent la nationalité d’un pays et ne dépendant pas d’un lieu de résidence dans un pays donné est qualifié pour jouer dans les équipes représentatives de l’association dudit pays”.
Alors, pour représenter la France, le sportif devra remplir l’une des conditions suivantes :
• Il est né en France ;
• Sa mère ou son père biologique y est né(e) ;
• Sa grand-mère ou son grand-père y est né(e) ;
• Il a vécu sur le territoire au moins cinq années consécutives après ses 18 ans.
À l’inverse, s’agissant du rugby :
Il est possible pour des étrangers de représenter l’équipe nationale. En ce sens, le règlement 8.1 établi par la fédération internationale de rugby (World Rugby) établit trois critères d’obtention de la nationalité sportive :
– Être né dans le pays en question ;
– Ou avoir un parent ou un grand-parent qui y est né ;
– Ou encore avoir résidé trois ans consécutivement avant la date du match dans le pays en question et ne jamais avoir disputé un seul match sous les couleurs de son pays de naissance.
Le cas particulier des Jeux olympiques :
Or, pour certaines compétitions, les critères diffèrent encore et il ne sera pas tenu compte des règles posées par les fédérations : c’est le cas des Jeux Olympiques. En effet, dans ce contexte, c’est la Charte Olympique qui sera à même de régir la nationalité sportive des athlètes souhaitant y participer.
Elle expose ses critères concernant le rugby olympique dans son article 41-1, imposant au sportif d’être “ressortissant du pays du Comité National Olympique qui l’inscrit.” Le joueur pourra donc représenter la France aux compétitions de rugby lors des Jeux olympiques seulement s’il dispose de la nationalité administrative française, et qu’il est inscrit par le comité National Olympique français.
Cette distinction peut alors mener à des difficultés, à l’heure où un rugbyman étranger peut disposer de la nationalité sportive française et donc représenter la France lors du tournoi des Six Nations ; mais ne disposant pas de la nationalité administrative française, il ne pourra la représenter aux Jeux Olympiques.
Dans ce cas, l’article 8.7 du règlement précise que « un joueur ressortissant du pays ou de la Fédération pour laquelle il est capturé en vertu du Règlement 8.2 et possédant la nationalité d’un autre pays ou d’une autre Fédération peut demander à participer à un Événement Olympique sous les couleurs de son nouveau pays ou de sa nouvelle Fédération », s’il respecte une période minimum de trois ans « entre la date à laquelle il a représenté pour la première fois son ancienne Fédération et la date à laquelle il jouera pour la première fois pour la seconde Fédération ».
Ainsi, dans notre exemple, le rugbyman ayant la nationalité sportive française mais pas administrative pourra avoir participé au tournoi des Six Nations avec la France, mais être sélectionné dans une autre équipe nationale lors des matchs de rugby à VII aux Jeux Olympiques si cela fait moins de trois ans qu’il a joué son premier match avec la Fédération Française de rugby.
Une autre difficulté souvent soulevée est celle ayant attrait aux plurinationaux :
La plupart des fédérations internationales interdisent à un sportif plurinational de bénéficier de plusieurs nationalités sportives. Ainsi, il leur est imposé de faire le choix d’une unique nation à représenter. Le choix peut être fait solennellement par l’intermédiaire d’une déclaration, mais aussi implicitement lors de la participation du sportif au sein d’une équipe nationale à une compétition internationale.
Certaines exceptions peuvent cependant être faites. C’est le cas en football concernant les « nationalités partagées ». D’après l’Annexe 2 du Commentaire du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, « au vu de leur nationalité, certains joueurs seraient théoriquement qualifiés pour l’équipe nationale de plusieurs associations ». Ce cas regroupe des pays qui n’auraient pas de nationalité propre, mais qui du fait d’événements historiques, ont acquis celle d’un autre. A été dressée une liste limitative des pays exposés, et cela concerne, entre autres, la nationalité française avec la France et Tahiti.
Le cas spécifique des naturalisations
L’idée est de limiter les naturalisations dans le domaine sportif aux seules fins utilitaristes. Alors, le principe met en avant l’immutabilité de la nationalité sportive, et il implique qu’il n’est permis de changer de fédération nationale qu’une seule fois dans sa carrière sportive.
De plus, l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (AIFA) pose une interdiction de participation à une compétition internationale pour un sportif pendant un an à compter l’acquisition de la nouvelle nationalité, sauf s’il habite depuis plus d’un an dans le pays d’adoption.
En outre, en principe, les sportifs ayant déjà représenté un pays lors d’une compétition ne peuvent participer à aucune compétition internationale pendant trois ans après l’acquisition de la nouvelle nationalité, à part si le sportif a résidé dans le pays dont il a acquis la nationalité pendant une période continue de trois ans immédiatement avant la compétition, ou que les deux pays concernés acceptent de réduire la durée à un an.
Alors, bien que la sélection en équipe nationale présente un enjeu patriotique fort pour la représentation de son pays, la nationalité sportive reste un concept bien distinct de la nationalité administrative, avec ses critères propres.