« Les stades français sont vétustes, inadaptés à une fréquentation familiale et ne permettent pas d’offrir aux spectateurs un spectacle global ». Voilà le constat qui a été fait à la fin du mondial 2006 en comparant les stades français aux cash machines qu’étaient les stades allemands à l’époque. C’est la raison pour laquelle, les stades de clubs de Ligue 1 ont saisi l’opportunité qu’a été la réception de l’Euro 2016 pour revoir leur stratégie vis-à-vis de l’outil économique majeur que constituent les stades. Jurisportiva vous propose un décryptage des stratégies économiques afférentes à la gestion des stades de la Ligue 1 Uber Eats.
La propriété du stade : le cas unique de l’Olympique Lyonnais
La meilleure réussite de reconversion économique et de développement d’un stade est le cas de l’Olympique Lyonnais. Après avoir occupé le Stade Gerland, l’Olympique Lyonnais a été le premier club français en Ligue 1 à sauter le pas de construire son propre stade. Exclusivement financé par des fonds privés, il a permis à l’Olympique Lyonnais d’être le seul club de Ligue 1 à la fois propriétaire et exploitant de son stade. Cela signifie que l’OL a la maîtrise totale des recettes de billetterie relatives aux matches de ses équipes masculines et féminines. De plus, l’OL perçoit également les revenus provenant d’autres événements sportifs tels que l’accueil de la finale de l’Europa League en 2018, des finales du Top 14 ou encore l’accueil régulier de concerts et autres événements culturels. L’Olympique Lyonnais a la pleine maîtrise de son stade et à une heure où les clubs de football ne cessent de renforcer leurs poids économiques, être propriétaire d’un tel actif constitue une véritable force et une preuve de stabilité et de pérennité. De plus, la propriété d’un stade permet également d’accompagner le projet sportif entretenu par le club.
Le choix fait par le président Aulas est audacieux et était, à l’époque, considéré comme risqué. En effet, la vocation d’un club de football n’est pas, à l’origine, d’être maître d’ouvrage d’une structure à plus de 200M€. C’est la raison pour laquelle, les stades construits et/ou rénovés, dans la perspective de l’Euro 2016 l’ont été dans le cadre de Partenariats Publics – Privés (PPP).
Les Partenariats Publics-Privés
Dans le cas français, le recours aux PPP est une méthode contractuelle de plus en plus prisée, notamment pour les collectivités souhaitant se doter de l’outil économique que constitue un stade. Un PPP est un contrat global de long terme entre une puissance publique (Etat, collectivité locale ou établissement public) et un partenaire privé qui va concevoir, financer, construire et exploiter pendant une longue période une infrastructure. La mise en œuvre de ces PPP a permis l’accueil de l’Euro 2016 car plusieurs stades ayant accueilli des rencontres de la compétition sont sortis de terre ou ont été rénovés grâce à cette contractualisation : l’Allianz Riviera à Nice, le Stade Pierre Mauroy à Lille, le Matmut Atlantique à Bordeaux, ou encore le Vélodrome à Marseille par exemple.
La difficulté dans le recours aux PPP réside dans la répartition des compétences, des recettes entre le propriétaire, l’exploitant et le club (dans les cas où le club n’est pas l’exploitant du stade). Dans le cas du LOSC qui évolue au stade Pierre Mauroy, ce dernier est la propriété de la Métropole Européenne de Lille (MEL) et est exploité par la société Eiffage. Dans ce genre de cas, qui rejoint également celui de l’OGC Nice et des Girondins de Bordeaux, la difficulté pour le club réside dans le fait qu’il ne maîtrise rien : toutes les recettes ne lui reviennent pas, l’exclusivité dans l’utilisation de l’enceinte n’est pas acquise, le club ne peut pas lancer des travaux sur la structure même de l’enceinte, etc.
De plus, et il s’agit plutôt là d’une réflexion politique dans l’analyse de la gestion des stades de Ligue 1, la conclusion des PPP n’est pas le biais le plus apprécié par les collectivités territoriales. « Le stade, je veux le vendre parce qu’il nous coûte trop d’argent. Je veux le vendre parce que c’est une gabegie financière » disait le maire de Marseille Benoît Payan à propos du stade Vélodrome au mois de février 2021.
L’Olympique de Marseille est un cas symptomatique des inconvénients qu’engendrent les PPP. La ville de Marseille, propriétaire du Vélodrome, a conclu un contrat d’exploitation avec Arema dans le cadre de la rénovation du stade dans la perspective de l’Euro 2016. De facto, l’OM ne maîtrisait rien et ne pouvait occuper le stade que pendant la durée des matchs. À son arrivée, Frank McCourt, soutenu par la ville, s’est saisi de cette problématique. Désormais, l’OM s’acquitte d’un loyer à Arema afin d’être l’exploitant unique du stade.
Le recours aux PPP permet ainsi aux clubs de laisser la maîtrise technique de la construction et de la rénovation à des acteurs qui en ont les facultés (promoteurs, collectivités territoriales, etc.) mais ne leur permet pas d’avoir la pleine possession des revenus, et une maîtrise réelle sur le stade. C’est pour cela qu’il persiste encore des stratégies économiques basées sur l’occupation, par les clubs et sous différentes formes contractuelles, du domaine public des collectivités propriétaires.
L’occupation du domaine public
La troisième grande option qui s’offre aux clubs français est de contracter avec les collectivités territoriales des conventions d’occupation du domaine public. Obligatoires dans le cadre des PPP, elles peuvent également être utilisées en dehors du cadre de ces derniers.. Globalement, ce type de contractualisation est présent pour les clubs dont le stade n’a pas été construit ou rénové pour l’Euro 2016.
À l’arrivée de Qatar Sports Investments au PSG en 2011, le club et la Ville de Paris ont conclu un bail emphytéotique jusqu’en 2044 qui permet au PSG d’utiliser le Parc des Princes en quasi-qualité de propriétaire et lui permet d’effectuer de nombreux travaux, d’organiser des évènements culturels diversifiés, et surtout de profiter seul des bénéfices des recettes du stade. En contrepartie, le club verse un loyer à la Ville de Paris. Ce mode de fonctionnement semble plutôt être « gagnant/gagnant » dans le sens où la Ville de Paris délègue la gestion d’une structure contraignante et le club jouit d’une enceinte dont le développement peut être en adéquation avec le projet sportif du club.
Quel choix pour les clubs de Ligue 1 ? Construire ? Rénover ?
En plein cœur des difficultés économiques liées notamment à la pandémie de la Covid-19 et à la crise des droits TV, la stratégie des clubs de Ligue 1 dans la gestion de leur stade est primordiale. En effet, à l’heure d’un renforcement des volontés de Super Ligue Européenne de la part des grands clubs européens, les clubs français ne souhaitent pas être mis à l’écart de ce projet qui s’apparente comme l’avenir du football européen. Aussi, il est important pour ces quelques clubs potentiellement candidats (PSG, OL et OM) de réfléchir à la manière dont le stade doit constituer un outil à leur développement économique et de facto sportif. Le Paris Saint-Germain, par exemple, a pris le parti d’opter pour une amélioration qualitative du Parc des Princes plutôt que quantitative en améliorant ses espaces de réception, ses espaces VIP plutôt que la capacité globale du stade.
Ainsi, c’est à travers ces choix d’optimisation des performances économiques des stades, par la valorisation d’un actif existant ou par la mise à niveau d’une infrastructure quelque peu désuète, que les clubs de Ligue 1 orientent leurs stratégies économiques. L’Euro 2016 a permis une accélération dans la mise en œuvre de ces stratégies, au service d’un évènement qui constituait une vitrine pour les stades français. Dans un futur plus ou moins proche, la Coupe du Monde de rugby en 2023 ou encore les épreuves olympiques de Paris 2024 sont tout autant d’évènements qui doivent constituer pour les clubs de Ligue 1 des échéances dans la continuation de ce travail de mise en valeur des stades et dans cette recherche du spectacle global.
1. Eric Besson, rapport « Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français », 2008
2. D’autres clubs français n’évoluant pas en Ligue 1 sont propriétaires de leur stade : l’AJ Auxerre et l’AC Ajaccio sont respectivement propriétaire des stades de l’Abbé Deschamps et François Coty.