Les assurances dans le football français

par | 2, Avr, 2021

Avec des records régulièrement battus, le marché des transferts augmente la valeur des joueurs et, par extension, celle de leur assurance. Les assurances dans le milieu du football représentent un marché considérable. Clubs comme  joueurs ont, en effet, la possibilité de s’assurer. Mais comment fonctionnent le système des assurances dans le football français ? La couverture d’assurance s’applique-t-elle également en cas de crise sanitaire ? Quelles sont les alternatives qui s’offrent aux clubs face aux refus des assurances de les assurer pour la Covid 19 ? Olivier Georges, juriste chez AWP France, vous propose de revenir sur le sujet, dans un article pour Jurisportiva. Nous le remercions, au nom de toute l’équipe, pour sa contribution.

Le fonctionnement des assurances dans le football français

Les clubs de football professionnels ainsi que les joueurs ne constituent pas une catégorie d’assurés qui justifie un fonctionnement spécifique de l’activité assurantielle. Cependant, l’existence de couvertures obligatoires va justifier inévitablement la souscription de produits d’assurance. 

Concernant les clubs de football professionnels, nous retrouvons d’une part la souscription obligatoire d’une garantie en responsabilité civile (prévue par l’article L. 321-1 du code du sport) et d’autre part des couvertures d’assurance rendues obligatoires par voie conventionnelle (Charte du football professionnel et CCNS).

Pour ce qui est des footballeurs, entendus ici comme les sportifs sous contrat de travail dans le cadre de l’exercice de leur activité sportive, il n’existe aucune obligation en matière de souscription d’assurance.

L’ensemble de ces acteurs est toutefois susceptible de souscrire par ailleurs des produits d’assurance leur permettant une meilleure protection de leur patrimoine dans l’hypothèse de la réalisation d’un événement aléatoire futur. Concernant les clubs, nous pouvons imaginer des produits d’assurance qui couvriraient les éventuelles pertes d’exploitation (droits à l’image du sportif, absence de billetterie, rupture ou résiliation d’un contrat de partenariat, etc…), toute dépréciation de son capital (dommages aux biens dont ils sont propriétaires ou gardiens, en cas de blessure de la part de l’un des sportifs). Pour ce qui est des joueurs, nous retrouvons notamment des garanties d’assurance prévoyant le versement d’indemnités forfaitaires (type Garantie Accidents de la Vie), la garantie “perte de licence” ou encore des prestations d’assistance suite à un accident ou à une maladie par exemple.

Ces assurances couvrent-elles la crise sanitaire?

Répondre à la question de la couverture d’un événement présuppose de vérifier d’emblée si le sinistre est susceptible de faire l’objet d’une couverture et si le contrat prévoit ladite couverture.

Dans l’hypothèse de la crise sanitaire, il faut vérifier si la crise sanitaire ou la propagation du virus constitue ou non un aléa. Nous pouvons aisément répondre favorablement à cette première question puisque la crise n’était en rien prévisible. Couvrir les effets d’une telle propagation serait tout à fait envisageable, et donc non obligatoire, d’un point de vue légal. Quid de la couverture contractuelle ?

Sur un terrain contractuel, l’intérêt pour les acteurs sportifs est d’interroger les professionnels de l’assurance si les contrats souscrits avant l’apparition de la pandémie couvrent les effets de la propagation du virus. En effet, la couverture vise à limiter les effets du fait générateur et donc à prévoir des indemnités dans l’hypothèse où le risque se matérialiserait. La question posée ici intéresse tout particulièrement les clubs, dans une moindre mesure les joueurs puisque ces derniers n’ont en principe pas subi de perte de salaire ou de suppression de prime ou de bonus. D’aucuns parmi vous pourraient argumenter que cette crise ait entraîné de nombreuses négociations afin de baisser la masse salariale des effectifs, se traduisant indirectement comme une conséquence préjudiciable de la crise sanitaire.

La première problématique consiste à comprendre la raison pour laquelle les sinistres résultant de la crise sanitaire sont généralement non couverts par les contrats d’assurance. La seconde problématique réside dans l’application du contrat d’assurance. En effet, afin de pouvoir invoquer un contrat d’assurance au soutien d’une demande de prise en charge d’un manque à gagner ou d’un préjudice directement en lien avec la crise sanitaire, l’acteur sportif doit démontrer que le fait générateur doit correspondre à l’un des motifs couverts par le contrat, que l’ensemble des conditions contractuelles sont réunies en vue d’une indemnisation. Enfin, le sinistre ne doit pas être exclu du contrat.

La majorité des assureurs tourne le dos à des clubs qui souhaitent désormais s’assurer pour prévenir les crises sanitaires. Face aux nombreux refus, beaucoup tentent de s’assurer eux-mêmes en mettant en place une captive commune. Explication.

La difficulté rencontrée dans la couverture des conséquences de la crise sanitaire renvoie à deux problématiques distinctes. D’une part, il existe une problématique liée au caractère systémique des risques résultant de la crise sanitaire. La répétition d’un sinistre peut être incompatible avec le caractère aléatoire propre à l’assurance. D’autre part, il existe une problématique en rapport avec la charge financière d’une telle couverture des risques (notamment financiers) des acteurs sportifs. En l’absence de tout dispositif obligatoire, il appartient aux professionnels de l’assurance de proposer des produits pour répondre aux difficultés rencontrées depuis mars 2020.

En dehors du schéma classique assurantiel, il existe de nombreuses voies offertes aux clubs afin de limiter les conséquences de la crise sanitaire. Nous pourrions également penser à la réassurance ou à la coassurance.

La captive d’assurance correspond à un montage qui pourrait permettre un meilleur management des risques à charge des acteurs sportifs par le biais d’une identification des risques, une évaluation de ces derniers, la création de provisions ainsi qu’une « tarification » sur mesure car décidée au sein d’un groupe de sociétés dont les intérêts et les risques sont similaires. Pour ce qui est du football, nous pouvons émettre des doutes quant à l’efficacité d’une captive d’assurance puisque les enjeux financiers ne sont pas similaires d’un club à l’autre.

En lieu et place d’une captive, nous avons observé dans le football la création de fonds de solidarité entre clubs. Il ne faut pas oublier enfin les garanties et prêts bancaires ainsi que les aides publiques.

Nos dernières publications

Paris Arbitration Week 2024 – Discussion organisée par K&L Gates avec le Centre de Règlement des Différends Sportifs du Canada et la Chaire de recherche sur la sécurité et l’intégrité dans le sport de l’Université Laval (Québec)

Paris Arbitration Week 2024 – Discussion organisée par K&L Gates avec le Centre de Règlement des Différends Sportifs du Canada et la Chaire de recherche sur la sécurité et l’intégrité dans le sport de l’Université Laval (Québec)

Il y a déjà deux ans, Jurisportiva vous présentait le Centre de Règlement des Différends Sportifs du Canada (CRDSC)[1], institution unique offrant au contentieux sportif amateur des solutions amiables et adaptées. À l’occasion de la Paris Arbitration Week 2024, le...