Interview de Mathéus Vivian (Football)

par | 18, Juin, 2020

Retour sur les 18 années dans le monde du football professionnel de Mathéus Vivian : défenseur central, international brésilien formé à Grêmio. Mathéus Vivian a connu le football de haut-niveau pendant 18 ans, entre 1999 et 2017. Le véritable « globe-trotter », passé par la France, l’Espagne, l’Allemagne ou encore la Grèce, a raccroché les crampons il y a deux saisons maintenant. L’ancien défenseur central de Nantes, est désormais, diplômé de l’Académie de Limoges en vue de devenir dirigeant d’un club sportif. Je tiens à le remercier chaleureusement de m’avoir livré avec passion son expérience, au travers d’une interview des plus sincères.

J’ai eu la chance de jouer avec de très bons joueurs mais le plus fort avec lequel j’ai évolué, ça reste Ronaldinho, à Grêmio. On était dans le même vestiaire, c’est une légende.

Bonjour Mathéus, peux-tu nous raconter tes débuts professionnels ?

J’ai rejoint très jeune le club de Grêmio au Brésil. Je vivais dans un village assez loin de Porto Alegre. J’ai eu la chance de faire un essai là-bas à l’âge de 12 ans et d’être sélectionné. C’était tout simplement un rêve pour moi, parce que j’étais amoureux du club, c’était mon équipe de cœur. A l’époque, c’était « soit je rentrais au Grêmio, soit je ne jouais pas du tout ». Cette notion d’identité, de fidélité et d’appartenance aux différents clubs est juste incroyable au Brésil. Quand je suis arrivé, il y avait une très belle génération qui gagnait tout, et notamment le championnat brésilien. Ces débuts m’ont permis de rejoindre la sélection nationale et de vraiment lancer ma carrière.

Jeune talent, tu remportes la Coupe du Monde des U17 en 1999 avec le Brésil. Peux-tu revenir sur ce qui sera ton premier trophée en tant que professionnel?

Pendant 6 ans, j’ai eu la chance d’être appelé pratiquement à chaque fois en sélection brésilienne. On a gagné de nombreux titres : la Coupe du Monde en 1999 avec l’équipe U17, mais on a aussi été Champions d’Amérique du Sud. On a remporté le Festival de Toulon et beaucoup d’autres… Nous avions une génération dorée, j’ai eu la chance de côtoyer en équipe « espoir » des joueurs comme Adriano, Tiago Motta. En sélection brésilienne U20, je jouais avec des noms qui parlent à tout le monde, comme : Robinho, Kaka, Daniel Alves, Maxwell…Cette épopée avec le Brésil a lancé ma carrière. Très vite, j’ai signé un contrat professionnel avec Grêmio en 1999, où je suis resté pendant 3 ans.

Tu prends la direction de l’Europe en 2002, à Francfort, pourquoi ce choix ?

Alors que j’étais encore sous contrat à Grêmio en 2001, la loi « Pelé » a été promulguée au Brésil. Cette loi autorisait les clubs brésiliens à gérer les transferts, quand bien même le joueur était en fin de contrat, parce qu’on considérait que le club était maître du destin du joueur qu’il avait formé. Dans un sens, j’ai été obligé de rejoindre l’Eintracht Frankfurt, car j’approchais de la fin de mon contrat et j’allais être libre. Mais il faut savoir qu’on parle tout de même d’une époque où le rêve de tous les joueurs brésiliens étaient de rejoindre l’Europe pour faire carrière. Aujourd’hui encore, même si le championnat brésilien s’est énormément développé, beaucoup de Brésiliens veulent « percer » en Europe. J’était heureux de rejoindre ce club. Francfort m’avait repéré lors de la Coupe du Monde qu’on a remportée en U17 avec le Brésil. Il y avait d’autres clubs intéressés comme l’Inter Milan, l’Ajax Amsterdam ou encore le Milan AC. J’ai choisi l’Eintracht Frankfurt car je voulais avant tout évoluer dans une équipe où j’aurais du temps de jeu, une équipe qui me permettrait de progresser et de m’adapter en Europe.

Après deux saisons passées en Allemagne, tu rejoins la Liga Adelante (D2 espagnole) à Las Palmas en 2004. Tu es rapidement au milieu d’une crise. Comment te relances-tu ?

J’avais fait le choix de quitter Francfort. J’ai signé un contrat de cinq ans en faveur de Las Palmas,et malheureusement le club a fait faillite durant ma première saison. Je me suis alors retrouvé au milieu d’une crise folle parce que mon contrat me liait encore 4 saisons au club. A côté de cela, le Président voulait absolument récupérer son argent. Je me retrouvais là-bas coincé, sans être payé. C’était un moment compliqué dans ma carrière. J’ai pris la décision de retourner au Brésil à Botafogo pour me relancer, mais l’espoir et la volonté de revenir en Europe ne m’ont jamais quitté.

Après tout cela, tu signes en 2005 en faveur de Grenoble Foot 38. On peut dire que ta carrière a réellement débuté là-bas. Lors de ces deux saisons, tu es l’auteur de 61 matchs et de 7 buts. Quelle expérience en tires-tu ?

En arrivant à Botafogo, j’ai signé un contrat qui me laissait la possibilité de repartir. C’était une option de « transit », le temps de recevoir une offre en provenance d’Europe au mercato d’été. Grenoble s’est vite positionné, ce n’était pas un choix facile. J’avais eu la chance de jouer pour des clubs plus reconnus auparavant, avec tout le respect que j’ai pour ce club. Finalement, ce choix s’est avéré pertinent, je me suis retrouvé dans un club familial, plein de synergie. Cela m’a aussi permis de passer un cap dans ma carrière, d’avoir une condition de leadership dans le vestiaire. C’est là-bas que j’ai appris le français, que je me suis fait beaucoup d’amis. Je pense que ça a vraiment été une étape importante dans ma carrière, j’en garde beaucoup de positif.

Deux saisons après, tu décides de rejoindre le FC Metz qui vient alors d’être promu en Ligue 1, pourquoi ce choix alors que tu avais trouvé une stabilité à Grenoble ?

Je pense que j’avais fait mon cycle à Grenoble. Je voulais voir autre chose et notamment évoluer en Ligue 1. D’autres clubs que le FC Metz étaient intéressés mais j’aimais beaucoup les valeurs de ce club, lui aussi très familial. C’était aussi une chance exceptionnelle de pouvoir avoir Carlo Molinari comme Président. On m’avait dit que Metz était un club de passionnés, rempli de ferveur et je n’ai pas été déçu. Je ne regrette absolument pas mon choix.

Tu deviens un Canari en 2010, alors que Nantes vient de connaitre une saison très compliquée, s’agissait-il d’un choix de carrière plutôt sportif ou personnel ?

Alors que mon transfert en Allemagne était quasiment bouclé, j’ai reçu un appel du Président Nantais Kita qui m’a invité à discuter avec lui. Finalement, il m’a convaincu et j’ai rejoint le club. J’ai vécu deux saisons compliquées, le club a connu d’énormes difficultés. Il y a eu des discussions tendues entre les supporters et le Président Kita. Avec tous les défauts qu’on peut reprocher à Kita, je voyais en lui quelqu’un qui apportait du soutien financier au club, qui essayait de faire de son mieux. C’était plus de la maladresse que de la méchanceté. Toutes ces difficultés, je les ai prises comme des challenges et je pense avoir contribué humblement pour Nantes, sur et en dehors du terrain. C’était une très belle expérience. J’ai porté là-bas le brassard de capitaine, j’en étais très fier. Cela m’est arrivé de revenir à Nantes et ça me fait plaisir de voir le souvenir que les supporters ont pu garder de moi et l’inverse. J’ai beaucoup d’affection pour ce club. A la fin, c’est ça qui compte, le souvenir qu’on garde.

Avant de signer à Guingamp en 2013, tu as passé une saison en Grèce. Pourquoi être précipitamment parti du PAOK Salonique au bout de 6 mois de contrat ?

J’ai signé en 2012 au PAOK, un club de « fou », un grand club. Je voulais retrouver un peu la passion et l’ambiance des stades brésiliens. Malheureusement, on a très vite été éliminé de la Coupe d’Europe, alors que c’était la principale raison de ma venue en Grèce. Le championnat était déjà « plié », on allait finir 2ème derrière l’Olympiakos et on était largement mieux classé que le troisième. C’est dur de dire ça mais ça devenait « pauvre » sportivement de ne jouer que le championnat alors qu’on connaissait déjà le résultat final. D’un point de vue humain, on a toujours cherché avec ma femme à vivre pleinement, à s’adapter à la culture. C’était sympathique de vivre à Thessalonique mais on n’a pas vraiment réussi à s’adapter. J’avais signé un contrat de 2 ans en faveur du PAOK Salonique, mais j’ai réussi à signer à Guingamp après 6 mois. Le projet sportif de Gourvennec m’attirait particulièrement.

Tu as terminé ta carrière au FC Sochaux en 2017, les supporters sochaliens ont été très marqué par ton cours passage dans le club. Une belle fin avant de ranger les crampons ?

C’est un peu mitigé. J’arrive à Sochaux après une saison à Guingamp où j’ai notamment gagné la coupe de France. Dans ce club, j’ai vécu des moments difficiles. Sochaux m’a permis de retrouver du temps de jeu, de porter le brassard de capitaine. Je suis arrivé dans le club sochalien à une période où l’actionnariat asiatique est arrivé. Ils ont fait beaucoup de mal au club, ça a été très dur pour moi de voir ça, humainement et sportivement. Le club perdait toutes ses ambitions, son identité. Je suis passé du jour au lendemain de capitaine à joueur en réserve. Sochaux bloquait mon transfert, je savais donc que je finirais ma carrière là-bas. Quoi qu’il en soit, je me suis toujours investi à 200%, comme dans tous les clubs où j’ai pu jouer. Il y a un petit goût « amer » d’avoir passé ma dernière année hors des terrains mais d’un autre côté, cela m’a permis de travailler sur ma reconversion, et de prendre du temps pour faire mon « deuil » personnel. J’ai tout de même une grosse affection pour le club, et je me suis installé dans la région à terme. Je commente aussi leurs matchs à la radio, mon fils est un grand supporter du club.

Tu sembles avoir le goût du challenge, la plupart des clubs étant en difficultés lorsque tu les a rejoints. Comment expliques-tu cette « coïncidence »?

On m’a beaucoup posé cette question. Je pense que j’attire tout ça parce que j’aime le challenge, la reconstruction. La quasi-totalité des clubs dans lesquels j’ai évolué me proposaient une offre pour rester mais je décidais de partir parce que j’avais le sentiment d’avoir accompli ce que je devais accomplir. J’avais envie de nouveaux horizons parce que j’aime les défis.

Tu as côtoyé, tout au long de ta carrière, d’excellents joueurs tels que Olivier Giroud à Grenoble ou encore Miralem Pjanic à Metz, es-tu resté proche de certains d’entre eux?

J’ai eu la chance de jouer avec de très bons joueurs mais le plus fort avec lequel j’ai évolué, ça reste Ronaldinho à Grêmio. On était dans le même vestiaire, c’est une légende. Les autres joueurs avec qui j’ai évolué sont généralement devenus mes amis. C’est toujours un plaisir de les revoir. Quand on finit une carrière, on est toujours un peu nostalgique, mais cela nous permet de prendre du recul sur les relations enrichissantes qu’on a pu développer hors du terrain avec certains joueurs. Lorsque je reviens dans mes anciens clubs, comme c’est le cas à Grenoble par exemple, le regard sincère que lancent les anciens du club ou des supporters me touche beaucoup. On se dit que même si parfois on n’a pas nécessairement réussi sur le terrain, sur le plan humain, c’est le cas, oui.

Tu évoluais au poste de défenseur central, c’est qui le meilleur défenseur de l’histoire ?

C’est difficile comme choix (rires). Maldini reste pour moi une référence. J’aimais beaucoup aussi Ricardo Gomes, c’était tout ce que j’aimais dans le football. Il reflétait l’intelligence sur le terrain, mais aussi la classe avec un leadership au sein de l’équipe. J’ai aussi eu la chance de jouer avec des joueurs comme Luisao. En France, j’ai pu jouer avec des jeunes défenseurs qui sont devenus des pointures aujourd’hui : par exemple Koulibaly avec qui je jouais à Metz. Il est désormais titulaire indiscutable à Naples. Il y a aussi eu Konaté qui a quitté Sochaux pour Leipzig. Ces joueurs que j’ai côtoyés ont su exploiter leur potentiel. J’ai été assez gâté dans ma carrière de pouvoir évoluer avec des joueurs comme ça. Il y a évidemment aussi eu Jens Keller, un joueur expérimenté, de qui j’ai beaucoup appris.

Selon toi, quelles sont les qualités qui t’ont permis d’atteindre la carrière que tu as eue ?

La volonté, la détermination et ma passion pour le football d’abord. Beaucoup disent que j’aurais pu aller plus haut, alors que d’autres clament que j’en ai peut-être trop fait (rires). En tant que footballeur, on est surtout jugé sur nos performances mais à la fin de ma carrière, mon bilan, il est certes porté sur le côté sportif mais moi ce que je veux c’est que l’on garde une bonne image de moi. Le football m’a donné l’occasion de voyager, de découvrir des cultures, d’apprendre de nouvelles langues, de bien gagner ma vie. Il m’a permis de vivre des moments incroyables, j’ai gagné une coupe du monde, une coupe de France…

J’ai vécu une très belle carrière en restant moi-même, entouré de ma femme, de mes enfants. On sait combien c’est compliqué de gérer l’arrivée de l’argent très tôt dans ce milieu. Ma réussite aujourd’hui, c’est celle-là. Oui, on peut toujours en faire plus, parce qu’on est compétiteur, mais avec du recul, je suis satisfait de ce que j’ai vécu parce que j’ai été épanoui.

Quel a été ton plus beau souvenir durant ta carrière ?

Au-delà de toutes les finales et grands matchs que j’ai pu jouer. Mon plus beau souvenir a eu lieu quand j’avais 15 ans, j’étais capitaine avec le Brésil pour jouer en amical contre l’Angleterre à Wembley. Quand je suis entré sur le terrain, il y avait plus de 50 000 spectateurs, je tremblais. Ce sont des choses inoubliables. Je me rappelle aujourd’hui qui était à côté de moi quand nous chantions les hymnes pour te dire (rires).

Une petite anecdote drôle ou spéciale que tu souhaiterais partager ?

Je ne préfère pas parce qu’il y a toujours des victimes dans ces anecdotes. Je me suis promis de garder les petits secrets de vestiaire. Mais il y en a eu beaucoup quand même (rires).

Enfin, tu as récemment obtenu ton diplôme de « Manager Général de club sportif professionnel » du CDES de Limoges, une reconversion en vue ?

La gestion dans le sport est l’axe principal de ma reconversion. Ce diplôme est important pour moi car il me permet de perdurer dans le milieu du football. J’ai toujours vu, tout au long de ma carrière, des profils différents. Certains partaient trop vite de l’autre côté, c’est-à-dire sur le banc en tant qu’entraineur et n’étaient pas assez « armés » pour le poste. J’ai également vu des personnes souvent très compétentes dans leur domaine, mais qui n’avaient pas fait de carrière de joueur dans le football et manquaient alors parfois de légitimité. De temps en temps, on manque aussi d’expérience, de feeling par rapport à ce métier-là. J’ai préféré personnellement prendre mon temps, passer ce diplôme à Limoges avec une très belle promotion, il y avait Omeyer du Handball, Voeckler du cyclisme, mais aussi Armand, et Réveillère du football. On avait du beau monde. Des liens d’amitiés se sont créés. Aujourd’hui, je commente sur France Bleu les matchs.

J’ai monté mon entreprise, j’ai dû tout découvrir, je m’épanouis beaucoup avec celle-ci. Il s’agit d’une boîte de développement de jeux vidéo sur portable. On achète les droits de licence pour exploiter les marques dans les jeux. Actuellement, on collabore avec le Paris Saint Germain pour créer le propre jeu du club, mais aussi avec Arsenal en Angleterre. Prochainement, il y aura des jeux pour d’autres cadors européens du football. Je pilote cette société avec beaucoup d’ambition. Je découvre le monde de l’entreprise, les aspects juridiques, les ressources humaines, la comptabilité. Je m’épanouis énormément là-dedans. J’adore la partie commerciale du football, le « merchandising », les droits d’image…C’est un challenge en plus, cela fait désormais 4 ans que je l’ai créée et elle fonctionne bien.

Pour finir, qu’est-ce que l’on peut te souhaiter ?

De la santé évidemment. Avec la santé, on peut faire tout le reste.

Merci à Mathéus Vivian de m’avoir livré son expérience avec beaucoup de simplicité et d’humilité.

Crédit photo : La Maison Jaune

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